FORUM D’OC DE LA RÉGION PROVENCE-ALPES-CÔTE D’AZUR
Oustau de Prouvènço-Ostau de Provença
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APPEL AUX ÉLUS LOCAUX ET NATIONAUX DE PROVENCE-ALPES-CÔTE D’AZUR
Transmission de la langue régionale en Provence-Alpes Côte d’Azur
Propositions pour stopper la dégradation
Le Forum d’Oc de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur a été constitué en 2014 à l’initiative de la Maintenance de Provence du Félibrige et de l’Institut régional d’Etudes Occitanes avec les associations régionales d’enseignants d’occitan-langue d’oc pour promouvoir la langue originelle de notre région, qui s’y exprime sous la forme du provençal, du niçois et de l’alpin. Il rassemble aujourd’hui plus de 400 personnes morales, associations, collectivités territoriales, entreprises, groupes artistiques, etc.
La préoccupation de l’avenir de notre langue régionale correspond à une sensibilité très vive dans de vastes secteurs de la population attachée aux spécificités de son territoire, même quand elle s’y est installée de fraîche date.
Pendant la campagne présidentielle, la question des langues régionales a fait l’objet d’engagements importants tant du candidat Emmanuel Macron que de la part du mouvement LREM. C’est donc que cette question a semblé suffisamment de conséquence pour justifier qu’on s’engage à la traiter. Depuis, tant sur la question corse que sur la question catalane et de manière plus générale, la coloration « girondine » que le mouvement entendait promouvoir dans l’action gouvernementale n’est guère apparue dans les faits.
Pour ce qui concerne l’enseignement, le Ministère de l’Education Nationale s’est montré particulièrement peu ouvert à la question des langues régionales. Sur ce point, le Président Christian Estrosi vient de rendre publique une déclaration retentissante très critique à l’égard de la politique de l’Académie de Nice, qui peut se transposer telle quelle pour celle d’Aix-Marseille, et qui relève d’une situation globale à peu près analogue sur tout le territoire.
Or, avant de s’attaquer à l’ensemble des problèmes, il est possible et urgent d’améliorer la situation à peu de frais et au prix de quelques mesures simples en choisissant les moins coûteuses. Elles impliquent qu’on attaque la question à la fois au niveau national et au niveau régional sans subordonner l’un à l’autre.
Dans une institution dont l’un des objectifs depuis sa création a été l’éradication des spécificités culturelles autres que celles du courant majoritaire, la présence des langues régionales heurte une longue tradition, et va à l’encontre d’un esprit de rentabilité immédiate supposée. Vouloir promouvoir les langues régionales au nom d’une meilleure intelligence de l’intérêt national suppose de résister aux dérives de la facilité, et de leur réserver sans marchander un traitement spécifique, au lieu de chercher à les marginaliser ou les noyer dans celui des langues étrangères.
I. Au niveau régional
Les textes législatifs confient au Conseil Régional la mission de promouvoir la langue régionale, et ils imposent que son enseignement s’effectue « selon des modalités définies par voie de convention entre l’Etat et les collectivités territoriales où ces langues sont en usage ». Notre Conseil Régional, dans sa mandature actuelle comme dans les précédentes, n’a pas encore défini de plan global en la matière, et ni lui ni les Conseils Départementaux n’ont établi aucune convention avec les deux Rectorats. Le Conseil Académique des Langues Régionales, qui doit être réuni par le Recteur au moins deux fois par an aux termes du décret qui l’institue, se réunit péniblement une fois par an à Nice et de façon encore plus sporadique à Aix sous la pression des associations et des syndicats. Les deux Rectorats n’ont aucune politique de développement de la langue. Aux niveaux des DSDEN et des Etablissements, lorsque les responsables administratifs ont le sentiment que la langue régionale ne se trouve plus soutenue par la hiérarchie ni par le pouvoir politique local ou national, elle est en butte à tous les empiètements et toutes les occasions sont bonnes pour récupérer ses moyens. L’argument parfois évoqué de l’absence de demande des familles est particulièrement meurtrier : aucune autre discipline, obligatoire ou facultative, n’est rendue dépendante de cette demande, sans qu’au moins l’offre ne l’ait précédée dans une information efficace.
La démarche de Christian Estrosi démontre qu’il a estimé le moment propice pour exprimer à la fois l’exaspération des communautés éducatives préoccupées par la langue, et le malaise où l’abandon des spécificités des territoires s’ajoute aux inquiétudes causées par les mouvements de population. A l’approche d’échéances où le local va jouer le rôle principal, cette question mérite plus que jamais de ne pas être marginalisée.
La question de la langue régionale et de la personnalité des territoires est par essence fédérative, et ses tenants, actifs ou passifs, recoupent tout l’éventail des préférences politiques, des âges, des sensibilités culturelles comme le démontre la coexistence du traditionnel et des audaces de la création contemporaine. La poser publiquement dans une perspective de rassemblement et d’intégration, et non d’exclusion comme pourraient le vouloir les extrêmes, suppose que s’en emparent les mouvements humanistes dans une convergence dont les circonstances présentes démontrent toute l’opportunité.
Le Forum d’Oc demande que soit lancée de manière concertée, à l’initiative de nos élus, une démarche dont la première étape pourrait s’apparenter à des Etats Généraux de la transmission de la langue régionale aux nouvelles générations en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Cette démarche mobiliserait des énergies actuellement tournées vers l’amertume, contraindrait les responsables à répondre à leurs devoirs envers un chantier que les textes officiels et les programmes politiques proclament comme essentiel, et pourrait agréger des courants de la société civile autour d’un objectif plus vaste d’exploitation de la spécificité régionale.
Des mesures concrètes d’urgence doivent pouvoir être prises rapidement au niveau régional :
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II. Au niveau national
1) La promesse de faire ratifier la Charte européenne des langues minoritaires est récurrente depuis des décennies et aboutit régulièrement à un abandon. Elle n’est certes pas mineure et couperait court aux entraves constitutionnelles. On peut ne pas en désespérer a priori et on doit en conserver la revendication, mais il faut cesser d’en faire un préalable. De même la question du maintien et de l’extension des moyens est évidemment cruciale, mais il ne faut pas que les contraintes budgétaires qu’on lui oppose dispensent de prendre les nombreuses mesures possibles immédiatement à moyens constants ou quasiment.
2) La précédente législature a adopté le 22 Novembre 2016 une proposition de loi sur la promotion des langues régionales qui n’a pas été examinée par le Sénat faute de temps. On ne voit pas ce qui pourrait s’opposer à ce qu’elle soit rapidement réexaminée, quitte à intégrer quelques améliorations.
3) Pour l’enseignement primaire, la mesure absolument prioritaire serait le rétablissement d’une épreuve facultative de langue régionale au concours ordinaire des professeurs des écoles avec une préparation spécifique dans les ESPÉ. Cette mesure qui a existé jusqu’à la réforme du concours par le ministère Fillon permettait une initiation massive à la langue, qu’il était aisé de renforcer ensuite au titre de la formation continue. Elle ne désavantage personne vu que la transmission familiale de la langue régionale a entièrement disparu au moins sur le territoire métropolitain.
Le concours spécial langue régionale ne profite qu’à quelques Académies et pour des effectifs très réduits (4 postes à Nice cette année, jamais organisé à Aix). Il serait en tout cas plus attractif si d’une part il était partout préparé au sein des ESPÉ, d’autre part s’il était programmé de façon à autoriser tous les candidats à se présenter aux deux concours, ce qu’aucun texte n’interdit, mais qu’aucune Académie ne permet jusqu’à présent.
La seule mesure qui demanderait quelques moyens supplémentaires (que les dotations des départements pourraient aisément supporter) serait de régulariser la présence d’au moins un conseiller ou animateur pédagogique spécialisé exclusivement en langue régionale pour chaque département concerné – alors qu’on tend à les fusionner avec les spécialistes des langues étrangères quand ils ne sont pas supprimés.
La continuité entre l’enseignement primaire et secondaire est naturellement un idéal qui doit être prioritaire (et notamment être pris en compte dans les dérogations à la sectorisation). Mais l’argument ne doit pas être retourné pour limiter les initiatives de l’enseignement primaire. Le développement d’une initiation au niveau scolaire, même si elle n’est pas suivie par le choix de l’option dans le second degré, fournit un socle de connaissances précieux pour chaque génération de futurs citoyens qui auront à gérer la transmission de la langue dans la société de demain.
La question de la facultativité de l’enseignement pour les élèves (qu’aucun texte officiel ne prescrit) devrait être traitée selon la « jurisprudence corse » (l’enseignement proposé à tous, les familles ayant le droit de le refuser pour leurs enfants, à charge pour l’école d’organiser un enseignement diversifié, ce qui entre facilement dans ses pratiques).
5) Pour l’enseignement secondaire, jusqu’aux réformes du précédent gouvernement, les heures consacrées aux langues régionales dans les collèges et lycées faisaient l’objet d’un quota spécifique. Elles sont à présent intégrées dans la dotation de chaque établissement, ce qui les expose en interne aux aléas d’une concurrence malsaine et aux pressions des circonstances. La promotion de la langue régionale doit être une politique nationale, il faut sortir les heures qui y sont consacrées de la dotation générale des Etablissements et des Rectorats, et en faire comme auparavant une dotation spécifique assortie d’un contrat d’objectifs en nombre d’élèves.
6) La réforme du baccalauréat doit absolument rendre possible et profitable pour les candidats la langue régionale (points supplémentaires pour l’admission et la mention). Rappelons que depuis la loi Deixonne de 1951 il a constamment existé une épreuve facultative de langue régionale au baccalauréat.